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 Louis Fréchette (1839-1908) I À Soledad

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MessageSujet: Louis Fréchette (1839-1908) I À Soledad   Louis Fréchette (1839-1908) I À Soledad Icon_minitimeVen 19 Avr - 20:33

I
À Soledad

Le beau soleil de mai rayonne,
Et, d'un baiser d'or, dit bonjour
Au bronze saint qui carillonne
Au fond des grands clochers à jour.

Une foule toute fleurie
Envahit les parvis sacrés;
Viens, Soledad, viens, ma chérie;
C'est Jésus qui nous dit : - Entrez!

Il t'attend au banquet des anges;
Approche, le couvert est mis;
Les enfants, les fleurs, les mésanges,
Tous les petits sont ses amis.

Les cierges brûlent, l'orgue chante,
À l'autel fume l'encensoir;
La voix, qui se fait plus touchante,
Te dit : - Ma fille, viens t'asseoir!
Écoute cet appel si tendre;
Obéis à la douce voix;
C'est Dieu même qui vient te tendre
La main pour la première fois.

De sa croix où l'amour le cloue,
Lui l'Adorable, lui le Saint,
Il veut te baiser sur la joue;
Il veut te presser sur son sein.

Il désire être à toi... Que dis-je?
Dans son amour de Tout-Puissant,
Par un ineffable prodige,
Il t'offre son corps et son sang.

Son corps qui, d'un gibet immonde,
Pour pardonner ouvre les bras!
Son sang qui racheta le monde,
Et coule encor pour les ingrats!

Ce corps, ô miracle qui touche!
Ce sang, séraphique liqueur,
Ils vont descendre sur ta bouche,
Et pénétrer jusqu'en ton coeur.

Oui, dans ton petit coeur, mignonne,
Par la Foi nos yeux entr'ouverts
Vont voir flamboyer la couronne
Du monarque de l'univers.
Ceux qui t'aiment sont là qui tremblent :
Devant le mystère troublant,
Ils croient voir des ailes qui semblent
Palpiter sous ton voile blanc.

Pour bien répondre à leur tendresse,
Ma Soledad, ouvre au Seigneur!
Plonge-toi dans ta sainte ivresse,
Abîme-toi dans ton bonheur!

Celui, dont la grandeur austère
Se courbe aujourd'hui sous ton toit,
Te donne le ciel et la terre,
Enfant, puisqu'il se donne à toi.

Le prêtre vient, la cloche sonne,
Voici Dieu, mon ange, à genoux!
Tends-lui ta lèvre qui frissonne;
Aime-le bien et pense à nous!

Prie un peu pour chaque souffrance,
Pour l'incrédule au coeur flétri,
Pour ta famille et pour la France,
La grande mère au sein meurtri!

Et puis, dans ta reconnaissance,
Au doux Jésus qui t'aime tant
Offre ta candide innocence,
Et le bon Dieu sera content.
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Louis Fréchette (1839-1908) I À Soledad
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