III
Oh! qu'ils sont loin, ces jours où le globe étonné
Écoutait, recueilli, d'un monde nouveau-né
L'hymne d'amour puissant et calme,
Et voyait, au-dessus de l'abîme béant,
L'Amérique à l'Europe, à travers l'océan,
Des temps nouveaux tendre la palme!
Que de grands buts atteints, d'horizons élargis,
De chemins parcourus, depuis que tu surgis,
Terre radieuse et féconde,
Au bout des vastes mers comme un soleil levant,
Et que ton aile immense, ouverte dans le vent,
Doubla l'envergure du monde!
Qu'il est beau de te voir, en ta virilité,
Aux antiques abus offrir la liberté
Pour contrepoids et pour remède,
Et, vers chaque progrès les bras toujours ouverts,
Tout entière au travail, remuer l'univers
Avec ce levier d'Archimède!
Amérique, en avant! prodigue le laurier
Au courage, au génie, à tout mâle ouvrier
De l'oeuvre civilisatrice.
Point de gloire pour toi née au bruit du canon!
Ce qu'il te faut un jour, c'est le noble surnom
De grande régénératrice!
Alors le monde entier t'appellera: - ma soeur.
Et tu le sauveras! car déjà le penseur
Voit en toi l'ardente fournaise
Où bouillonne le flot qui doit tout assainir,
L'auguste et saint creuset où du saint avenir
S'élabore l'âpre genèse!