À la Baie d'Hudson
C'est l'hiver, l'âpre hiver, et la tempête embouche
Des grands froids boréaux la trompette farouche.
Dans la rafale, au loin, la neige à flots pressée
Roule sur le désert ses tourbillons glacés,
Tandis que la tourmente ébranle en ses colères
Les vieux chênes rugueux et les pins séculaires.
L'horrible giboulée aveugle; le froid mord;
La nuit s'approche aussi - la sombre nuit du Nord -
Apportant son surcroît de mornes épouvantes.
Et pourtant, à travers les spirales mouvantes,
Que l'ouragan soulève en bonds désordonnés,
Luttant contre la grêle et les vents déchaînés,
Des voyageurs, là-bas, affrontent la bourrasque.
L'ombre les enveloppe et le brouillard les masque.
Qui sont-ils? Où vont-ils? Sous ce ciel périlleux,
Qui peut narguer ainsi les éléments fougueux?
Ce sont de fiers enfants de la nouvelle France.
Sans songer aux périls, sans compter la souffrance,
Ils vont, traçant toujours leur immortel sillon,
Au pôle, s'il le faut, planter leur pavillon!
Au mépris des traités, la hautaine Angleterre,
Contre la France armant sa haine héréditaire,
Sur les côtes d'Hudson, - dangers toujours croissants, -
Avait braqué vers nous ses canons menaçants.
Il fallait étouffer les oursons au repaire;
Et d'Iberville, un fort que rien ne désespère,
Avec cent compagnons armés jusques aux dents,
Malgré la saison rude et ses grands froids mordants,
À travers des milliers d'obstacles fantastiques,
Avait pris le chemin des régions arctiques...
Pour reprendre à l'Anglais ces postes importants,
Il fallait prévenir les secours du printemps.
Et c'est ce groupe fier, avec son chef en tête,
Qu'on voit marcher ainsi le front dans la tempête.
Sans un sentier battu, sans guides, sans jalons,
Ils franchirent les monts, les ravins, les vallons;
Précipice ou torrent, forêt ou fondrière,
Rien ne peut entraver leur course aventurière;
Les canots sur l'épaule et la raquette aux pieds,
Ces fiers coureurs des bois, ces chasseurs, ces troupiers
Traînant munitions, bagage, armes et vivres,
Courbés sous la courroie et tout couverts de givres,
Semblaient, dans les brouillards de ce ciel nébuleux,
Les fantômes errants d'un monde fabuleux.
Les semaines, les mois s'écoulèrent; les débâcles
À l'expédition offrent d'autres obstacles.
Les rayons du soleil, de plus en plus troublants,
Ont sur le sol neigeux des reflets aveuglants;
Puis le verglas fangeux que le printemps fait fondre
Change en marais glacé la route qui s'effondre...
Cela n'est rien; plié sous les fardeaux trop lourds,
Dans l'eau jusqu'à mi jambe, on avance toujours.
Une rivière est là de banquises couverte:
Vite, canots à flot, la rame aux poings, alerte!
Quelquefois il leur faut descendre en pagayant
Quelque effrayant rapide aux remous tournoyant;
Nul ne recule; un jour, dans un torrent qui gronde,
D'Iberville lui-même est englouti sous l'onde;
Il s'échappe, mais deux des braves sont noyés...
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Plus tard, quand le héros rentra dans ses foyers,
Il avait arraché trois forts à l'Angleterre,
Conquis toute une zone, et sur mer et sur terre,
Humilié vingt fois nos rivaux confondus...
Ce sont ces hommes-là qu'un monarque a vendus!