En mer
À ma petite Marie-Jeanne.
L'océan roule en paix sa houle souveraine,
Où, mobile, se joue un reflet de ciel clair:
Et, les ailes au vent, comme un oiseau de l'air,
Notre steamer géant y plonge sa carène.
Le soleil radieux s'enfonce dans la mer,
Dorant l'immensité de sa splendeur sereine;
Sur les flots monte au loin comme un chant de sirène...
Et pourtant, sur ma lèvre erre un sourire amer.
Le spectacle est charmant, féerique, unique au monde;
Mais j'aime mieux les soirs où l'âpre bise gronde
Et dans les grands huniers jette son cri strident;
Ah! c'est qu'il est trop lent le vaisseau qui m'enlève,
Et que je vois là-bas, loin là-bas, dans mon rêve,
Un doux berceau béni qu'on berce en m'attendant.
(1880)