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 Louis Fréchette (1839-1908 ) Rêverie À hermine

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James
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James


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Louis Fréchette (1839-1908 ) Rêverie  À hermine Empty
MessageSujet: Louis Fréchette (1839-1908 ) Rêverie À hermine   Louis Fréchette (1839-1908 ) Rêverie  À hermine Icon_minitimeLun 6 Mai - 22:32

Rêverie

À hermine
... à l'heure où l'ombre apporte
Les souvenirs
H.P.


La nuit sur mon chevet avait ouvert son aile;
Minuit avait jeté sa clameur solennelle;
La bise s'engouffrait dans le noir corridor;
Ma lampe, en s'éteignant, d'un dernier reflet d'or,
Avait baigné la page à peine à moitié lue;
Le vent faisait crier ma porte vermoulue...
Et j'écoutais craintif, sans pouvoir m'endormir,
Et la forêt se plaindre et l'ouragan gémir.

Et je portais mes yeux sur ma fenêtre sombre:
Pas un feu ne brillait... l'ombre, partout de l'ombre...
Et je songeais, mon Dieu, que là-bas, loin là-bas,
Il existe quelqu'un que je nomme tout bas...
Que je nomme tout bas, quand le jour qui veut naître
D'un rayon miroitant vient dorer ma fenêtre...
Ou quand l'ombre s'approche et que l'aile du soir
M'apporte souriants mille rêves d'espoir...
Et quand les pins tordus par la bise d'automne
Jettent au sein des nuits leur clameur monotone...
Ou quand le vent d'été dans les feuilles bruit...
Enfin quand la nature à tous les coeurs sourit.

Je songeais que là-bas, par-delà ces montagnes,
Par-delà ces forêts, par-delà ces campagnes,
Il est un lieu chéri tout baigné de soleil,
A qui mon souvenir prête un éclat vermeil;
Un lieu qui me rappelle une joie infinie;
Un lieu dont le nom seul est une symphonie
Plus douce que le chant d'une brise de mai...
Car c'est là qu'un matin je la vis... et l'aimai.
Je la voyais encor, près de moi, sur la pierre,
Enflammant mon regard du feu de sa paupière,
Ou bien, folâtre enfant, sur le bord du chemin,
Marchant à mes côtés et la main dans ma main,
Tantôt l'air calme et froid, tantôt folle et rieuse,
Parfois me regardant triste et mystérieuse...

Et j'écoutais pensif, sans pouvoir m'endormir,
Et la forêt se plaindre et l'ouragan gémir.
Je voulais l'oublier: mais malgré moi fidèle,
Je la voyais toujours... mon coeur était plein d'elle...

O mes rêves chéris! mes rêves adorés!
Rappelez-moi toujours mes souvenirs dorés!
Vous êtes la fontaine où notre âme ravie
Va puiser tout ce qui la retient à la vie...
Rêves! si de nos coeurs votre essaim s'envolait,
L'homme, comme un forçat qui traîne son boulet,
Irait courbant son front au vent de l'infortune...
La mort serait aimable et la vie importune.

O mes rêves chéris! mes rêves adorés!
Rappelez-moi toujours mes souvenirs dorés!

Et je songeais toujours, et toutes mes pensées
Toujours me reportaient vers ces scènes passées,
Vers ces moments trop courts, vers ces jours trop
heureux!
Alors dans les reflets d'un lointain vaporeux,
Je croyais entrevoir, comme en un vol étrange,
La forme d'une femme ou l'ombre d'un archange
Passer en répandant un rayon de splendeur...
Et ma main se fermait en pressant sur mon coeur
Tout ce que j'ai gardé de mes heures de joie,
Une fleur, des cheveux, un simple brin de soie...
Souvenirs bien-aimés qui ne me quittent plus,
Seuls vestiges, hélas! de mes bonheurs perdus!...

L'ombre avait disparu; dans ma chambre l'aurore
Glissait quelques rayons... le jour venait d'éclore...
Et j'écoutais encor, sans pouvoir m'endormir,
Et la forêt se plaindre et l'ouragan gémir...

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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