VII
Le manoir était triste, et le vent de l'automne
Frappait dans les vitreaux plaintif et monotone.
La lampe vacillant au milieu du salon,
Jetait sur les lambris un blanchâtre rayon.
Louise veillait seule, et la tête penchée
Ses regards s'arrêtaient sur la voûte étoilée
Que souvent lui cachait un nuage fuyant;
Puis ensuite le ciel devenait plus brillant.
Le vent qui gémissait au milieu du silence
Dans son âme pensive entretient la souffrance,
De songes effrayants agite son esprit,
Fantômes fugitifs dont son coeur se nourrit.
Pourquoi donc suis-je triste? ah! la vie est amère.
Edouard!... non, nul bruit au chemin solitaire!
Qui sait s'il reviendra, s'il reverra jamais
Le toit qui l'a vu naître et nos bocages frais? -
Sa nef fendre les flots? Les dangers, la misère
Ont partout assiégé sa nouvelle carrière.
Peut-être, hélas! la mort sans cesse sur ses pas
A moissonné ses jours au milieu des combats...
Et ses yeux attendris se remplissaient de larmes.
De noirs pressentiments augmentaient ses alarmes
Quand un soir un bruit sourd agite le côteau;
Un guerrier inconnu paraît dans le château.
Le coeur bat à Louise; elle craint, elle espère:
Edouard l'avait-il envoyé vers sa mère?...
Mais sa mère se tait, elle semble pâlir;
Un mot qu'elle étouffa venait de la trahir.
Après avoir gardé quelque temps le silence,
Louise, lui dit-elle, on a tous sa souffrance,
Mais à la supporter on montre son grand coeur;
Et le courage est fait pour braver le malheur.
C'était mon seul enfant! Mais qu'as-tu donc Louise,
Oh ciel! je n'en puis plus! ah! ma tête se brise.
Edouard! Edouard! s'écrie avec douleur
L'amante qui soudain tomba de sa hauteur.
Le château retentit. La mort sur son visage
Avait déjà jeté son éternel ombrage.
À ce spectacle ému le guerrier valeureux
Sentait couler les pleurs qui tombaient de ses yeux.
Hélas! c'en était trop pour le coeur de la mère,
Ses glas tintaient, le soir, au village en prière.
Et dans chaque chaumière au pied d'une humble croix
Des échos pleins de pleurs répondaient à leur voix.
Depuis l'on dit qu'on voit du haut de ces collines
Louise errer la nuit au sein de ces ruines.