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| | Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. | |
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Auteur | Message |
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 | Sujet: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:38 | |
| Rappel du premier message :
La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé.
Plangon la Milésienne fut en son temps une des femmes les plus à la mode d’Athènes. Il n’était bruit que d’elle dans la ville ; pontifes, archontes, généraux, satrapes, petits-maîtres, jeunes patriciens, fils de famille, tout le monde en raffolait. Sa beauté, semblable à celle d’Hélène aimée de Pâris, excitait l’admiration et les désirs des vieillards moroses et regretteurs du temps passé. En effet, rien n’était plus beau que Plangon, et je ne sais pourquoi Vénus, qui fut jalouse de Psyché, ne l’a pas été de notre Milésienne. Peut-être les nombreuses couronnes de roses et de tilleul, les sacrifices de colombes et de moineaux, les libations de vin de Crète offerts par Plangon à la coquette déesse, ont-ils détourné son courroux et suspendu sa vengeance ; toujours est-il que personne n’eut de plus heureuses amours que Plangon la Milésienne, surnommée Pasiphile. |
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Auteur | Message |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:39 | |
| Plangon se plaît fort peu à tous ces détails d’écurie qui vous charment si fort. Ce n’est pas vous non plus, Thrasylle l’efféminé ; la peinture dont vous vous teignez les sourcils, le fard qui vous plâtre les joues, l’huile et les essences dont vous vous inondez impitoyablement, tous ces onguents, toutes ces pommades qui font douter si votre figure est un ulcère ou une face humaine, ravissent médiocrement Plangon : elle n’est guère sensible à tous vos raffinements d’élégance, et c’est en vain que pour lui
plaire vous semez votre barbe blonde de poudre d’or et de paillettes, que vous laissez démesurément pousser vos ongles, et que vous faites traîner jusqu’à terre les manches de votre robe à la persique. Ce n’est pas Timandre, le patrice à tournure de portefaix, ni Glaucion l’imbécile, qui ont ravi le coeur de Plangon. Aimables représentants de l’élégance et de l’atticisme d’Athènes, jeunes victorieux, charmants triomphateurs, je vous le jure, jamais vous n’avez été aimés de Plangon, et je vous certifie en outre que son amant n’est pas un athlète, un nain bossu, un philosophe ou un nègre, comme veut l’insinuer Axiochus. |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:39 | |
| Je comprends qu’il est douloureux de voir la plus belle fille d’Athènes vivre dans la retraite comme une vierge qui se prépare à l’initiation des mystères d’Éleusis, et qu’il est ennuyeux pour vous de ne plus aller dans cette maison, où vous passiez le temps d’une manière si agréable en jouant aux dés, aux osselets, en pariant l’un contre l’autre vos singes, vos maîtresses et vos maisons de campagne, vos grammairiens et vos poètes. Il était charmant de voir danser les sveltes Africaines avec leurs grêles cymbales, d’entendre un jeune esclave jouant de la flûte à deux tuyaux sur le mode ionien, couronnés de lierre, renversés mollement sur des lits à pieds d’ivoire, tout en buvant à petits coups du vin de Chypre rafraîchi dans la neige de l’Hymette(1). |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:39 | |
| Il plaît à Plangon la Milésienne de n’être plus une femme à la mode, elle a résolu de vivre un peu pour son compte ; elle veut être gaie ou triste, debout ou couchée selon sa fantaisie. Elle ne vous a que trop donné de sa vie. Si elle pouvait vous reprendre les sourires, les bons mots, les oeillades, les baisers qu’elle vous a prodigués, l’insouciante hétaïre, elle le ferait ; l’éclat de ses yeux, la blancheur de ses épaules, la rondeur de ses bras, ce sujet ordinaire de vos conversations, que ne donnerait- elle pas pour en effacer le souvenir de votre mémoire ! comme ardemment elle a désiré vous être inconnue ! qu’elle a envié le sort de ces pauvres filles obscures qui fleurissent timidement à l’ombre de leurs mères ! Plaignez-la, c’est son premier amour. Dès ce jour-là elle a compris la virginité et la pudeur.
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| Elle a renvoyé Pharnabaze, le grand satrape, quoiqu’elle ne lui eût encore dévoré qu’une province, et refusé tout net Cléarchus, un beau jeune homme qui venait d’hériter. Toute la fashion athénienne est révoltée de cette vertu ignoble et monstrueuse. Axiochus demande ce que vont devenir les fils de famille et comment ils s’y prendront pour se ruiner : Alcibiade veut mettre le feu à la maison et enlever Plangon de vive force au dragon égoïste qui la garde pour lui seul, prétention exorbitante ; Cléon appelle la colère de Vénus Pandémos sur son infidèle prêtresse ; Thrasylle est si désespéré qu’il ne se fait plus friser que deux fois par jour. (1) Montagne au sud d’Athènes. |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| L’amant de Plangon est un jeune enfant si beau qu’on le prendrait pour Hyacinthe, l’ami d’Apollon : une grâce divine accompagne tous ses mouvements, comme le son d’une lyre ; ses cheveux noirs et bouclés roulent en ondes luisantes sur ses épaules lustrées et blanches comme le marbre de Paros, et pendent au long de sa charmante figure, pareils à des grappes de raisins mûrs ; une robe du plus fin lin s’arrange autour de sa taille en plis souples et légers ; des bandelettes blanches, tramées de fil d’or, montent en se croisant autour de ses jambes rondes et polies, si belles, que Diane, la svelte chasseresse, les eût jalousées ; le pouce de son pied, légèrement écarté des autres doigts, rappelle les pieds d’ivoire des dieux, qui n’ont jamais foulé que l’azur du ciel ou la laine floconneuse des nuages. |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| Il est accoudé sur le dos du fauteuil de Plangon. Plangon est à sa toilette ; des esclaves moresques passent dans sa chevelure des peignes de buis finement denticulés, tandis que de jeunes enfants agenouillés lui polissent les talons avec de la pierre ponce, et brillantent ses ongles en les frottant à la dent de loup ; une draperie de laine blanche, jetée négligemment sur son beau corps, boit les dernières perles que la naïade du bain a laissées suspendues à ses bras. Des boîtes d’or, des coupes et des fioles d’argent ciselées par Callimaque et Myron, posées sur des tables de porphyre africain, contiennent tous les ustensiles nécessaires à sa toilette : les odeurs, les essences, les pommades, les fers à friser, les épingles, les poudres à épiler et les petits ciseaux d’or. Au milieu de la salle, un dauphin de bronze, chevauché par un cupidon, souffle à travers ses narines barbelées deux jets, l’un d’eau froide, l’autre d’eau chaude, dans deux bassins d’albâtre oriental, où les femmes de service vont alternativement tremper leurs blondes éponges. |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
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Par les fenêtres, dont un léger zéphyr fait voltiger les rideaux de pourpre, on aperçoit un ciel d’un bleu lapis et les cimes des grands lauriers roses qui sont plantés au pied de la muraille. Plangon, malgré les observations timides de ses femmes, au risque de renverser de fond en comble l’édifice déjà avancé de sa coiffure, se détourne pour embrasser l’enfant. C’est un groupe d’une grâce adorable, et qui appelle le ciseau du sculpteur. Hélas ! hélas ! Plangon la belle, votre bonheur ne doit pas durer ; vous croyez donc que vos amies Archenassa,
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| Thaïs, Flora et les autres souffriront que vous soyez heureuse en dépit d’elles ? Vous vous trompez, Plangon ; cet enfant que vous voudriez dérober à tous les regards et que vous tenez prisonnier dans votre amour, on fera tous les efforts possibles pour vous l’enlever. Par le Styx ! c’est insolent à vous, Plangon, d’avoir voulu être heureuse à votre manière et de donner à la ville le scandale d’une passion vraie. Un esclave soulevant une portière de tapisserie s’avance timidement vers Plangon et lui chuchote à l’oreille que Lamie et Archenassa viennent lui rendre visite, et qu’il ne les précède que de quelques pas. « Va-t’en, ami, dit Plangon à l’enfant ; je ne veux pas que ces femmes te voient ; je ne veux pas qu’on me vole rien de ta beauté, même la vue ; je souffre horriblement quand une femme te regarde. » |
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| L’enfant obéit ; mais cependant il ne se retira pas si vite que Lamie, qui entrait au même moment avec Archenassa, lançant de côté son coup d’oeil venimeux, n’eût le temps de le voir et de le reconnaître. « Eh ! bonjour, ma belle colombe ; et cette chère santé, comment la menons-nous ? Mais vous avez l’air parfaitement bien portante ; qui donc disait que vous aviez fait une maladie qui vous avait défigurée, et que vous n’osiez plus sortir, tant vous étiez devenue laide ? dit Lamie en embrassant Plangon avec des démonstrations de joie exagérée.
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 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:40 | |
| -C’est Thrasylle qui a dit cela, fit Archenassa, et je vous engage à le punir en le rendant encore plus amoureux de vous qu’il ne l’est, et en ne lui accordant jamais la moindre faveur. Mais que vais-je vous dire ? vous vivez dans la solitude comme un sage qui cherche le système du monde. Vous ne vous souciez plus des choses de la terre. -Qui aurait dit que Plangon devînt jamais philosophe ? |
|  | | Invité Invité
 | Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. Sam 27 Juil - 22:41 | |
| -Oh ! oh ! cela ne nous empêche guère de sacrifier à l’Amour et aux Grâces. Notre philosophie n’a pas de barbe, n’est-ce pas, Plangon ? Et je viens de l’apercevoir qui se dérobait par cette porte sous la forme d’un joli garçon. C’était, si je ne me trompe, Ctésias de Colophon. Tu sais ce que je veux dire, Lamie, l’amant de Bacchide de Samos ». Plangon changea de couleur, s’appuya sur le dos de sa chaise d’ivoire, et s’évanouit. |
|  | | | Théophile Gautier. (1811-1872) La Chaîne D’Or. Ou L’Amant Partagé. | |
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