II
Voyez là-bas, longeant les détours de la grève,
Comme un vague fantôme entrevu dans un rêve,
Une ombre se glisser d’un pas lent et discret.
Aux lueurs de la nuit, sa silhouette grise
Se détache, en passant, vacillante, indécise,
Sur le fond noir de la forêt.
La brise nous apporte une plainte étouffée...
Est-ce l’Esprit des bois? Est-ce un spectre, une fée,
Qui vient gémir aux bord des flots silencieux?
Non, c’est un être humain; c’est l’enfant des savanes,
Qui vient parfois la nuit rêver sous les platanes,
L’oeil hagard, le front soucieux.
Roseau longtemps en butte au vent de la tempête,
C’est une femme; l’âge appesantit sa tête,
Et la ride du temps creuse ses traits flétris.
Fille de l’Iroquois à l’âme sanguinaire,
De tout son peuple éteint rejeton centenaire,
C’est le seul et dernier débris.
Dans les drames sanglants que raconte l’histoire,
Elle vit sa tribu périr au champ de gloire;
Et quand eut succombé le dernier de ses preux,
Elle se retira dans un antre sauvage,
Pour pleurer sa grandeur et mourir au rivage
Du fleuve aimé de ses aïeux. .
Elle s’est arrêtée au pied d’un chêne énorme;
Et, tout on dérobant quelque chose d’informe
Sous les plis déchirés d’un large manteau gris,
Elle parle, et sa voix lugubre et monotone
Semble le grincement et la bise d’automne,
Dans les vieux ormes rabougris: