Octobre
Ah! l'air de deuil que tout respire!...
C'est le mois des dernières fleurs
Où le rayon, ce beau sourire,
Toujours s'éteint mouillé de pleurs;
Où les vagues sont plus profondes,
Où l'ombre est pleine de frimas,
Où les aubes sont infécondes,
Où le ciel frissonne de glas.
L'Astre comme vide de flammes,
Naît et déjà tombe des cieux.
La tristesse envahit les âmes;
Les fronts jeunes sont soucieux.
Le nocher à la chanson lente,
En jetant de ses bras lassés
L'ancre sous la proue oscillante,
S'inquiète des flots glacés.
Les gais bûcherons dont sans cesse
Sonne le fer, couvrent les voix:
Ah! disent-ils, quelle tristesse!
Comme se lamentent les bois!
Le pâtre, par le sentier rude
Poussant son troupeau rallié,
Traverse l'âpre solitude
À grands pas et le corps plié...
Ô terreur! des spectres difformes
Sont accroupis dans les ravins...
Non, c'est l'ombre qui prend ces formes
Au pied des sinistres sapins...
Les hameaux, asiles champêtres,
Sont sans charmes, presque sans voix.
Plus de roses sous les fenêtres!
Plus d'hirondelles sur les toits.
La vitre bleue à la lumière
Reste close au matin qui luit.
La porte moins hospitalière
Sur nos pas retombe avec bruit...
Pieds nus et blessés par les chaumes,
Un pauvre enfant au doux profil
S'en vient à moi. - Voici des baumes,
Achetez-les, soupire-t-il.
Et comme dans mes mains hâtées
Avec émotion je prends
Vulnéraires, herbes vantées,
Et résine à l'odeur d'encens,
Il me dit qu'un soir sur la lande
L'orage grêla leur maison;
Le mal fut grand; il me demande
Du blé, du pain, un faible don.
Automne, automne, reine au lourd manteau de brume,
Ta beauté trop sévère est sans charme pour moi.
Ah! qu'un autre au long bruit d'un orage qui fume
Chante le dur grésil bondissant devant toi.
Je n'aime que les pleurs de l'aurore embrasée,
Tout oiseau, toute fleur, et le céleste azur.
Les oiseaux, ils ont fui; la fleur, tu l'as brisée,
Et dans les vallons nus traîne un rayon obscur.
Quand tu paraîs, adieu les sourires sans nombre
Qui flottaient par le ciel et la terre et les coeurs...
Fleur éclose au soleil, ma gaîté meurt dans l'ombre
Rends-lui les beaux matins et leurs douces lueurs.