Eugène Sue, qui partage les idées de Byron, se
désole de voir son génie lui tomber dans l’estomac.
Au reste, cet embonpoint n’est pas volé, car les
muses de ces messieurs sont d’une voracité incroyable :
il faut voir tous ces poètes lyriques à l’heure de la
nourriture. M. Hugo fait dans son assiette de fabuleux
mélanges de côtelettes, de haricots à l’huile, de boeuf à
la sauce tomate, d’omelette, de jambon, de café au lait
relevé d’un filet de vinaigre, d’un peu de moutarde et
de fromage de Brie, qu’il avale indistinctement très vite
et très longtemps. Il lappe aussi de deux heures en deux
heures de grandes terrines de consommé froid. -M.
Alexandre Dumas demande régulièrement trois
beefsteaks pour un, et suit cette proportion pour tout le
reste. Quant à M. Théophile Gautier, il renouvellera
incessamment l’exploit de Milon de Crotone de manger
un boeuf en un jour (les cornes et les sabots exceptés,
bien entendu) : ce que ce jeune poète élégiaque
consomme de macaroni par jour donnerait des
indigestions à dix lazzarones ; ce qu’il boit de bière
enivrerait dix Flamands de Flandre. M. Sandeau dîne
passionnément, et Rossini a toujours l’âme à la cuisine
ou aux environs. Le cuivre de son orchestre montre une
certaine préoccupation de casserole qui ne quitte pas le
grand maestro dans ses inspirations les plus sublimes.