V
Un malheur ne vient jamais seul, dit-on.
À celui-ci succéda toute une série de fatalités.
Une grange brûlée, une récolte entière perdue, l’épidémie sur les
bestiaux; enfin, les hypothèques, les huissiers, la ruine.
Drapeau mourut dans la misère; et son fils Charles - celui qui nous
occupe en ce moment - dut quitter la paroisse natale, le sac au dos, pour
aller gagner son existence dans les chantiers.
Il vivota d’abord tant bien que mal, l’hiver dans les forêts de l’Ottawa,
le printemps sur les trains de bois charriés par le fleuve, l’été dans les anses
de la Pointe-Lévis, la gaffe du flotteur ou la hache de l’équarisseur à la
main.
C’était une rude vie, mais qui ne lui aurait pas été trop dure, cependant,
s’il n’eût été forcé de travailler pour des Anglais.
Cela révoltait sa vieille rancune de race.